Un cahier, un jour

2009. Catégorie ‘Esquisses de travail’
Cahiers dessinés à l’encre, feutre, crayon gras, gouache
21 cm x 29,7 cm


La figure comme limite du solide.
Platon

Image


La vision de l’atelier était faite de petits papiers, de destruction, de résidus, de toute sorte de papyromanies, comme jetée hors du cercle de l’œuvre, arborant des coupes nettes, des subtilités disposées puis écartées, des détritus délicats, le parfait et le meilleur, crachés par terre.
Si ce n’est pas du terrorisme, le schéma reste similaire.

Tous ces restes, comme le titre de ce vieux tango ‘Desde el alma’, ont un lieu de parenté qui est proche.

C’est bien connu, les artistes, à chaque fin de série, avant de passer à l’acte suivant (tableau, chose artistique, dessin ou déconfiture sentimentale) cherchent un endroit où s’abandonner et abandonner, pour ne pas souiller l’image à venir avec la précédente.

Ainsi ils ont créé le concept de ‘Cahier Paillasson’ où l’on s’essuie les pieds pour ne pas entrer dans la maison de l’œuvre inconnue, à venir, avec des restes de l’ancienne.

Mais cette spécieuse nostalgie de l’imaginaire – plus que du réel – culmine presque toujours dans un travail pratique rendu obligatoire : rayer un cahier d’un seul coup profond, en une seule passe le couvrir de la tête aux pieds, de la première à la dernière de couverture, dans le moins de temps possible.

Etalage d’ordures, véritable tsunami de feuilles et découpes, matières écartées de l’œuvre finale, parties exilées par terre, résignées, sous la table de travail ; sans le vouloir on vient ici de nommer la vedette : la Table.


La table comme centre d’un monde en dissection permanente.

Naguère le monde centra dans l’œuvre, l’acte de la croix, les tendons tordus du Nazarène.

Plébéienne, la table est le centre d’une autre crucifixion, quotidienne cette fois.
Et partout, autour, en dessous, au dessus, sur les côtés, des restes de ce qui aurait pu être sauvé et qui fut perdu, sacrifié dans une aventure des autres, inconnue.

Abel Robino
décembre 2008