3 poèmes musicaux – 3 poemas musicales

Il s’agit ici d’une collaboration – une de plus – avec le compositeur Luis Naón, qui heureusement a apprécié quelques poèmes. Trois en particulier.
Stalkeriana : à propos de ce lieu sans lieu, un hommage au film Stalker de Andrei Tarkovski.
Mots de bienvenue au Goulag : un autre hommage aux chemins de la liberté, un autre film.
Ces deux textes furent écris pour l’anthologie de poésie et cinéma réalisée par Héctor Freire. (Poesía y cine, Buenos Aires, 1999)
Le dernier poème traite sur les commentaires à propos de l’empereur Lucius Septime Sévère.
Trois hommages relus par les tympans d’un compositeur contemporain.
J’ai toujours soutenu qu’une poésie est une composition musicale et que les poètes ont tendance à l’oublier.
Naón s’est toujours caractérisé par sa volonté d’ouvrir le territoire de la musique en relation avec le théâtre, la poésie ou la danse.
C’est également une de mes préoccupations : mettre en relation les arts plastiques avec la vidéo, le cinéma, la musique, le théâtre, la performance et le design.
Je remercie Luis Naón et Diego Pittaluga, qui n’ont cessé de tenir le fil critique sur mon travail.

Es una colaboración, una más con el compositor Luis Naón, quien felizmente apreció algunos poemas. Tres particularmente.
Stalkeriana: sobre ese lugar, sin lugar y un homenaje a la película del mismo nombre de Tarkovski.
Palabras de bienvenida al gulag: otro homenaje a los caminos de la libertad, otra película.
Estos dos textos fueron escritos para la antología de poesía y cine antalogada por Héctor Freire.(Poesía y cine, Buenos Aires, 1999)
El último poema trata de los comentarios acerca del emperador Lucio Séptimo Severo.
Tres homenajes releídos, por los tímpanos de un compositor contemporáneo.
Siempre dije que una poesía es una composición musical y los poetas suelen olvidarlo.
Luis Naón se a carecterizado siempre por abrir el territorio de la música ya en relación con el teatro, la poesía o la danza. Este también ha sido una de mis preocupaciones: relacionar las artes plásticas con video, cine, música, teatro, performance y diseño.
Agradezco a Luis Naón y a Diego Pittaluga, que no dejan de tenerme un punto de juicio crítico sobre mi trabajo.
__________________________________

A propos du style de l’empereur Lucius Septime Sévère

J’admire le style maladroit et juste, Septime Sévère,
avec lequel tu as démantelé ta cour pour construire un poulailler.
Je suis celui qui éprouve de la jalousie devant ta trouvaille
consistant à baptiser tes créatures gallinacées avec le nom de quelques mauvais gouvernants.
Je rends hommage à cette technique de trachéotomie pratiquée à la rhétorique asthmatique
par un tel soupir de parodie.
Je me demande comment t’emprunter ces longues
méditations désenchantées, en faisant la sieste sur tes lauriers.
Je jure que j’ai essayé de parodier le discours qu’on attribue lorsque l’invasion
des barbares était déjà un fait.
Si les barbares admirent tellement nos voitures, s’ils désirent tellement nos femmes siliconées et s’ils en bavent tant après notre confort,
jusqu’à quel point peut-on les qualifier de barbares ?
(Nous leur avons inoculé la plus exquises des pestes : la civilisation)
Je célèbre ton irrévérence, Septime Sévère,
quand tu as réussi à calmer tes sujets caquetants par un geste creux dessiné en l’air, offrant un banquet seulement avec une poignée de maïs
et, surtout, parce que tu n’as jamais renié l’origine :
Un recueillement désenchanté entre lucidité et indolence.
______________________

SOBRE EL ESTILO DEL EMPERADOR LUCIO SÉPTIMO SEVERO

Admiro el estilo desprolijo y justo, Séptimo Severo,
con que desmantelaste tu corte y construiste un corral de gallinas.
Soy ése al que se le pega la envidia de tu ocurrencia
por bautizar a tus plumíferas criaturas con el nombre de unos malos gobernantes.
Reverencio esa técnica de traqueotomía a la retórica asmática
en semejante suspiro de parodia.
Me pregunto cómo hacer para copiarte esas largas
meditaciones desengañadas, haciendo siesta sobre tus laureles.
Juro que he intentado parodiar aquel discurso que te achacan cuando la invasión
de los bárbaros era un hecho.
Si los bárbaros admiran tanto nuestros automóviles, tanto desean a nuestras
mujeres siliconadas y tanto babean por nuestro confort,
¿hasta dónde puede decirse que sean bárbaros?
(Les hemos inoculado la peste más exquisita: la civilización.)
Celebro tu desvergüenza, Séptimo Severo,
cuando calmaste a tu séquito chillón con un ademán hueco en el aire, ofreciendo
un banquete en un puñado de maíz
y, sobre todo, porque nunca negaste los orígenes:
un recogimiento desencantado entre la lucidez y la vagancia.

________________________________

PAROLES DE BIENVENUE AU GOULAG

Ennemis du peuple,
votre confinement n’est pas dû
à ces barbelés
ni à la menace de nos molosses,
ni à ce chemin que même à midi
la brume clôture.

Ici, là où prend fin la saleté de vos ongles,
commence la Sibérie, et c’est elle votre prison.

Voici la mère aux 13 millions
de mamelles flasques et de mètres carrés
dont seulement votre mort vous sèvrera.

Toute cette Nature représente votre impuissance,
et ce qui se dérobe aux loups et aux ours
ne lui échappe pas, et encore moins à ses parasites.

Ici vos souvenirs deviendront comme cette neige sale.

La toundra, camarades, est un grand atelier de sculptures
de chair gelée qui attend.

Le monde, cette communauté de l’oubli,
ensevelira le reste : enfants, amants, syndicats.
Alors vous saurez que pour tenter de s’en évader
il faut avoir, au moins, où aller.
_________________________________________________

PALABRAS DE BIENVENIDA AL GULAG

Enemigos del pueblo, vuestro encierro no lo conforman estos alambrados de púas, ni la amenaza de nuestros perros, ni ese camino que a la mitad del día la bruma clausura.

Aquí, donde termina la mugre de vuestras uñas,
comienza la Siberia y ella es vuestra prisión.

Ésta es la madre que tiene 13 millones
de ubres flácidas y de metros cuadrados de la cual sólo la muerte os destetará.

Toda esa naturaleza es vuestra impotencia,
lo que se le escapa a los lobos o a los osos no se le escurre a ella y menos a sus parásitos.
aquí vuestros recuerdos terminarán como esa nieve sucia.

La tundra es un gran atelier de esculturas
en carne helada que espera, camaradas.

El mundo, esa comunidad del olvido,
enterrará el resto, hijos, amantes y hasta gremios,
entonces sabrán que para intentar evadirse
hay que tener por lo menos adonde ir.

__________________________________________

STALKERIANA*

à Horacio Castillo et César Cantoni

Nous nous approchions en klaxonnant,
avec des hurlements de stade, insultant comme il le faut
un adversaire que nous ne connaissions pas.

Nous nous sommes approchés de cet endroit
inaltéré, obscur, insondable,
dans le seul but de provoquer tout ce qui demeure là,
et l’horreur nous glaça le dos
face à cette force désendormie, se jetant sur nous.

Ce fut un sauve-qui-peut.
Certains firent allusion, devant les journalistes,
au passage où le Samson biblique prend une mâchoire d’âne
et fonce à bras raccourcis sur les philistins.

Mais la vérité est que personne n’avait vu
autre chose que le visage de sa propre peur.
Chaque dimanche nous venons voir cet endroit, mais à distance,
en pensant qu’il est possible de mourir heureux :
Peut-être existe-il un endroit stratégique dans l’au-delà
où l’on fait des harangues sans voix,
où l’on gesticule sans bras,
où l’on pourrait vaincre l’invisible par l’invisible.

* Le titre fait allusion au film de Andrei Tarkovsky, Stalker. Poème paru dans l’anthologie sur la poésie et le cinéma d’Héctor Freire (Poesía y cine, Buenos Aires, 1999).

________________________________________________

STALKERIANA*

a Horacio Castillo y César Cantoni

Nos acercamos tocando la bocina de los automóviles,
con alaridos de estadio, insultando como se debe
a un adversario que no conocíamos.

Nos acercamos a aquel lugar
inalterado, oscuro, insondable,
con la única intención de provocar todo lo que allí vive,
y el horror nos heló la espalda
ante aquella fuerza despabilada, echándose sobre nosotros.

Fue un sálvese quien pueda.
Algunos recurrieron, para contarlo a la prensa,
al pasaje donde un Sansón bíblico toma una quijada de asno
y arremete contra los filisteos.

Pero la verdad es que nadie había visto
más que la cara de su propio miedo.

Todos los domingos volvemos a mirar aquel lugar desde lejos,
pensando que es posible morir felices;
quizá hay un estratégico lugar en el más allá
donde se arenga sin voz,
donde se gesticula sin brazos,
donde se podría derrotar a lo invisible con lo invisible.
_____________________